L’approche des patients souffrant d’un délire parasitaire paraît difficile aux dermatologues. Ceux-ci ne sont pas habitués à prendre en charge ces patients qui présentent une pathologie psychiatrique et qui, pourtant, consultent en dermatologie et non pas en psychiatrie. Nous pensons néanmoins que ce n’est pas un challenge impossible à relever et le cas de madame D. va permettre de lever les appréhensions qu’une telle pathologie peut susciter, tout en illustrant la démarche thérapeutique.
Madame D. consulte son médecin traitant parce que, depuis 1 an, elle perçoit l’existence de “bêtes noires dans la tête”. Elle lui en a d’ailleurs apporté dans une petite boîte. Elle les voit tomber sur ses vêtements, sur le sol et les meubles. Elle constate aussi leur présence sur les murs, dans les voilages. Elle n’en a parlé à personne, se replie sur elle-même, ne sort plus. Elle vit cette situation avec un sentiment très douloureux de honte : “C’est tabou… les poux…”. Le généraliste l’adresse alors en dermatologie, mais les divers dermatologues consultés ne parviendront pas à la soulager. Certains s’efforcent de la rassurer, de la persuader de l’absence de bêtes ; ils lui prescrivent des recherches parasitaires en laboratoire qui ne retrouvent que des débris de tissus et des poussières. D’autres veulent l’adresser à des psychiatres, lui signifiant que “c’est dans la tête” ou que “c’est dans (son) imagination”. D’autres encore lui prescrivent des émollients qu’elle n’applique cependant pas “de peur de les nourrir”. La patiente est découragée et ressent une profonde souffrance. Elle renonce à consulter et se replie davantage sur elle par crainte de contaminer son entourage.
Plusieurs mois plus tard, à la faveur d’un geste chirurgical (exérèse d’une tumeur cutanée de la joue), madame D. évoque avec une dermatologue les symptômes pour lesquels elle avait consulté il y a quelques mois. Celle-ci l’écoute attentivement tout en restant concentrée sur son geste technique, et la patiente peut alors extérioriser ses perceptions et sa souffrance psychique (“Je me suis livrée”, dira-t-elle plus tard). Cette dermatologue lui signifie qu’elle connaît cette pathologie et aussi un collègue compétent dans ce domaine avec lequel elle lui prend un rendez-vous. Ce dernier, sensibilisé à la psychodermatologie, énonce alors le diagnostic de syndrome d’Ekbom. La patiente, qui dit avoir été “débloquée” par la précédente consultation de dermatologie et est moins envahie par ses préoccupations, adhère au diagnostic. Elle signale alors très rapidement des soucis concernant son fils : “J’ai cela[...]
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